Hollywood a une relation difficile avec la science-fiction. Il y a toujours quelque chose qui cloche dans ce genre imaginatif, que ce soit l’adaptation d’histoires classiques de science-fiction qui deviennent des films d’action écervelés, ou encore parce que certains films sont trop obsédés par les détails surnaturels.
«Looper» dépasse les attentes en créant un monde futuriste unique, tout en racontant une histoire spécifique tissée autour de vraies personnes — un équilibre qui caractérisait les œuvres des maîtres du genre comme Bradbury, Asimov et Dick.
Joe(Joseph Gordon-Levitt) est un «boucleur», un assassin qui travaille pour le compte des mafiosos du futur. Il se sert illégalement des voyages dans le temps pour renvoyer ses victimes dans le passé afin qu’elles soient éliminés. C’est un style de vie facile et lucratif qui lui permet de s’offrir des voitures de luxe et des «gouttes» (des drogues consommées par les yeux), tout en sachant qu’une fin macabre l’attend. Parce qu’éventuellement, les mafiosos «bouclent la boucle» avec leurs employés, retrouvent les boucleurs dans le futur et les renvoient dans le passé pour qu’ils s’éliminent eux-mêmes. C’est maintenant au tour de Joe de s’éliminer, mais il est déjoué, et son futur lui (Bruce Willis) part au large. Déterminé à remplir ses obligations de «boucleur», Joe se lance dans une traque pour se tuer lui-même.
La version futuriste de la ville de Kansas que présente le réalisateur ressemble à une véritable extension de la ville telle qu’elle est aujourd’hui. Quand Joe n’est pas occupé par son travail de tueur caché dans un champ de maïs, il mange son steak à l’œuf dans un bistro local. Il n’y a que les véhicules volants, la télékinétique mutante et un visiteur occasionnel venu du futur pour nous rappeler que l’action ne se déroule pas dans le monde d’aujourd’hui. Le réalisme donne du caractère à Joe et à la métropole qui l’entoure — il y a du danger, de la violence et de la douleur dans ce monde, et quand Rian Johnson décide de lancer une séquence d’action, on sait que le danger guette.
Le plus grand défaut de «Looper» est qu’il évite la confrontation entre le jeune Joe et le vieux Joe, envoyant les deux protagonistes dans des directions opposées. Sur une ferme située loin de la ville, le jeune Joe croise le chemin d’une mère célibataire, Sara (Emily Blunt), qui détient peut-être la clé de ce que le vieux Joe doit faire pour survivre. Après nous avoir présenté une ribambelle de personnages délicieusement sinistres — dont Abe (Jeff Daniels), le coordonnateur des boucleurs, Seth (Paul Dano), le compagnon de travail paresseux du jeune Joe, Kid Blue (Noah Sagan), un important tireur d’élite, et Suzie (Piper Perabo), strip-teaseuse et confidente du jeune Joe —, le film «Looper » fait un important virage et laisse la plupart des personnages sur le bas-côté. Cette intéressante mosaïque de science-fiction ralentit le pas pour entrer dans un nouveau chapitre qui n’est pas aussi haletant que le précédent.
Pour les amateurs de science-fiction, «Looper» permet de se réconcilier avec les échecs du passé en montrant que ce genre est plus qu’un assemblage de métaphores et d’icones. Il y a des personnages nuancés qui émergent du réseau temporel chaotique de ce film, et même s’ils ne contribuent pas toujours à l’histoire de façon significative, c’est un véritable plaisir de les regarder.