En sortant du cinéma après avoir vu «Neighbors» pour revenir dans le vrai monde froid, tranquille et dépourvu de blagues sexuelles, il se peut que vous soyez assailli de questions comme «Pourquoi ces jeunes ont déménagé dans une nouvelle résidence universitaire un ou deux mois avant la fin des cours?», «À quel moment a-t-il été déterminé qu’elle voulait coucher avec lui?», «Qui était cet autre jeune homme?», «Si c’était bien lui, pourquoi?», «Quand cela s’est-il passé?», «Comment?», «Quoi?!», etc. Oui, il y a suffisamment de trous dans la logique de Nicholas Stoller pour mériter une bande annonce parodique intitulée «Tout ce qui ne va pas avec les voisins» et quelques discussions enflammées sur les réseaux sociaux. Mais il ne s’agit pas ici de faire le procès du réalisme d’un film quand celui-ci se présente comme une comédie mettant en vedette Seth Rogen dans laquelle un bébé mange un condom.
«Neighbors» se libère non seulement des lois de la réalité fondamentale et de la narration bien ficelée, mais aussi du joug rigide du ton comique. On passe d’une tranche de vie au sujet des nouveaux parents Mac et Kelly (Rogen et Rose Byrne), qui ne sont pas tout à fait prêts à dire adieu à leur jeunesse, à une farce universitaire débile et loufoque axée autour d’une résidence étudiante voisine (menée par Zac Efron, lui-même assisté de Dave Franco). Alors que la guerre s’installe entre les voisins devenus ennemis, nous sommes invités à faire des allers-retours entre les agressions brutales et loufoques où chaque manœuvre vise à provoquer «ces vieux grincheux/ces jeunes punks d’à côté». Alors que nous sommes ballotés dans cet exercice sans fin de malfaisance humaine, «Neighbors» se décline en épisodes de folie caricaturale, de pathos macabre et de surréalisme absolu. Et même s’il semble impossible que toutes ces identités comiques cohabitent dans le même film, «Neighbors» a un tour dans son chapeau : il est drôle. Jamais brillant et rarement rafraîchissant, mais toujours drôle.
Les blagues liées aux confréries universitaires s’appuient sur une comédie élémentaire et mettent en relief le pseudo-méchant sadomasochiste incarné par Efron aux côtés du personnage vulnérable de Franco, accompagnés par le duo imbécile formé d’un Christopher Mintz-Plasse rusé et d’un Jerrod Carmichael naturellement charmant.
Une bonne partie du divertissement se trouve dans les blagues physiques et les références à la culture pop (on fait même allusion aux personnages incarnés par Robert De Niro, Samuel L. Jackson et Al Pacino dans d’autres films et le résultat est assez attachant). Mais l’arme secrète de «Neighbors» est l’actrice Rose Byrne qui, dans la peau de Kelly, surpasse les interprétations rendues par ses covedettes plus connues. Catapultée à des kilomètres de distance du marasme des hommes ordinaires, Rose Byrne dépasse même Seth Rogen, autant dans la maladresse (la voir se démener pour interagir avec ses jeunes voisins est un délice) que dans la méchanceté diabolique.
D’une manière ou d’une autre, ce film rempli de farces ne devient jamais alambiqué ou excessif. Malgré un rythme peu favorable — nous plongeons directement dans le conflit principal, et c’est un rythme difficile à soutenir pendant aussi longtemps — et quelques failles narratives lamentables, ces problèmes ne semblent pas prioritaires. Même si certaines blagues paraissent forcées ou réchauffées, même si les personnages sont malléables et même si le concept est surexploité, nous éclatons de rire. On peut donc dire que c’est une réussite.