Si «Mama» avait seulement été un bon film typique de maison hantée — et il l’est, avec des frayeurs à glacer le sang et des enfants terrifiants qui surgissent de nulle part —, on aurait dit qu’il s’agissait d’un divertissement correct pour le mois de janvier. Mais avec l’actrice nommée aux Oscar Jessica Chastain, sur qui le film s’appuie, et le réalisateur Andrés Muschietti, qui adopte un style inattendu, ce conte effroyable d’amour maternel évoque une peur si grande que les spectateurs sortiront de la salle en courant vers les bras de leur mère.
Après avoir provoqué une crise financière, Jeffrey (Nikolaj Coster-Waldau) se déchaîne en prenant la vie de sa femme, en enlevant ses filles et en les emmenant dans une cabane abandonnée au milieu des bois de la Virginie. Avant que son désarroi ne fasse couler encore plus de sang, Jeffrey est neutralisé par une présence mystérieuse dans la maison — la même force qui passera les cinq années suivantes à élever les jeunes filles, qui deviennent de petites bêtes sauvages nourries aux cerises.
Le film fait un bond dans le présent, où le frère jumeau de Jeffrey, Luca (aussi incarné par Nicolaj Coster-Waldau), passe ses journées à chercher les jeunes filles disparues. Quand elles finissent par être retrouvées, Lucas et sa petite amie punk, Annabel (Jessica Chastain), décident de les adopter, une décision qui ne sera pas bien acceptée par Mama, la force surnaturelle qui s’est occupée d’elles pendant toutes ces années. Comme s’il s’agissait d’une version déjantée de «Stepmom», avec Julia Roberts et Susan Sarandon, Annabel devient très vite la cible de Mama – et les résultats sont merveilleusement bizarres.
«Mama» est renforcé par la facilité avec laquelle Jessica Chastain se glisse dans la peau d’un personnage désagréable et relie les sensations fortes aux thèmes émotionnels. Annabel ne veut pas être une mère; elle déteste les enfants et préfère jouer de la musique avec son groupe, et elle partage son amour seulement avec Lucas. Quand elle se retrouve à devoir veiller sur des enfants, une responsabilité qui lui a presque été imposée par un psychologue qui veut étudier leur comportement, Annabel se montre réticente. Quand Mama interfère dans l’interaction illogique de cette nouvelle famille, cela semble tout à fait rationnel. Mama n’est pas seulement un fantôme qui perturbe les vivants. C’est un personnage à part entière du film, et elle a un objectif bien clair: reprendre ses enfants.
Andrés Muschietti s’appuie lourdement sur les procédés des films d’horreur modernes et certaines scènes paraissent surjouées, avec des bruits perçants et des apparitions au hasard de la plus jeune des deux filles qui semblent directement tirés du film «The Grudge». Mais «Mama» est à son meilleur quand la main du producteur Guillermo del Toro se fait directement sentir, enveloppant le film d’un voile de mythologie qui donne de la profondeur à cette histoire pour qu’elle puisse suivre son chemin en crescendo jusqu'à la grande finale. Contrairement à la plupart des films de maisons hantées, «Mama» a de l’envergure et sort de la maison pour suivre le psychologue tandis qu’il mène son enquête procédurale, revient dans le temps pour révéler les origines de Mama avec des «flashbacks» à l’ancienne, puis revient à la cabane pour d’autres sensations d’épouvante. Le film suit un chemin rempli de revirements, ce qui est nécessaire pour assurer la fraîcheur de ce genre surjoué.
Même dans les routines d’horreur habituelles, «Mama» est plus excitant que les autres films du genre. Dans une scène, Muschietti montre la chambre des filles d’un côté et un long couloir de l’autre. Tandis qu’Annabel plie du linge à l’autre bout du couloir, la plus jeune fille joue avec une Mama hors champ, qui la soulève dans les airs de ses mains invisibles. À la base de «Mama», il y a cette réalité terrifiante : même quand le fantôme ne pousse pas les personnages en bas des escaliers et ne crie pas à travers les murs, il est toujours là. Ça, c’est vraiment effrayant.